Et voilà, malgré un dossier irréprochable et tout un peuple derrière, la France essuie son 3ème échec de rang (4ème si l'on compte Lille), pour laisser la place à Londres, dont je ne veux pas croire que le dossier était meilleur (il posait au contraire un certain nombre de questions critiques). Ce n'est pas là que ça se passe. Il y a forcément autre chose.
Ce quelque chose, il faut le voir avec le recul de la géo-stratégie. J'ai bien entendu une remarque très, très sybiline de David Douillet, dans les instants immédiats et cruels de la déception. Des mots sybillins sur le fonctionnement "particulier" du CIO, et sur l'Olympisme, terre anglo-saxonne aujourd'hui.
Et là, il a bien saisi la chose. Le Monde, Olympique compris, est un monde sous influence anglo-saxonne. C'est un monde qui abandonne ou simplement rejette complètement une certaine philosophie morale de l'homme, disons sociale-démocrate, héritée des Lumières, pour promouvoir une vision dite libérale, dans laquelle la place de l'individu et de ses intérêts est toujours prioritaire sur celle de la communauté dans laquelle il vit. Une vision que l'on veut nous faire croire moderne, par opposition à l'autre. La place prépondérante que l'argent occupe, comme indicateur principal de réussite personnelle, en est l'une des manifestations majeures.
J'ai toujours été frappé de voir à quel point, chez tous les anglo-saxons que j'ai cotoyé et que je côtoie (et beaucoup sont de mes amis), ils étaient, tous, formatés de la même façon sur ce plan précis : quand il est question de défendre ses intérêts, et son argent, il n'y a plus d'amis. Là où mon éducation et ma culture tendraient plutôt à la recherche du compromis, il n'y a pas chez eux d'angélisme moral. Le compromis est d'abord une mauvaise chose qu'il faut eviter le plus possible, le compromis est vécu comme un échec. Pour moi, le compromis est toujours un succès, car il matérialise la reconnaissance de chacun à avoir des opinions et intérêts divergents, et qu'il est toujours préférable de couper la poire en deux plutôt que de la vouloir pour soi tout seul.
Quand les Français refusent le compromis avec les autres, ils disent non à la constitution Européenne. Mais comme la France pèse moins lourd aujourd'hui que le Monde anglo-saxon, ou acquis à ses thèses (des pays ayant rompu il y a peu avec le dramatique passé communiste), on se retrouve comme des cons, tous seuls au milieu de la rivière. Aujourd'hui, Blair est à la présidence de l'Europe, la France est montrée du doigt comme force rétrograde d'un monde qui la dépasse (la PAC), les JO vont à Londres, et quoi demain, quelle nouvelle couleuvre ? Nous n'avons pas fini de manger notre pain noir, très loin de là, et ce n'est pas De Villiers ou Fabius qui y changeraient quoi que ce soit s'ils parvenaient (par quel miracle ?) au pouvoir.
J'ai déploré le manque total de pragmatisme des pseudo-vainqueurs du référendum à gauche. Il me faut maintenant déplorer encore plus loin le manque de pragmatisme de la France entière.
Pourtant, je suis sûr que éthique, empathisme, compromis, pragmatisme et vision de l'avenir ne sont pas incomptabibles. Qui incarnera cela ?
A ceux qui voudraient me dire Sarkozy, je répondrais immédiatement et avec force que éthique et empathismes sont déjà totalement incompatibles avec lui, à tout le moins. Alors, on est pas dans la merde, et ça va durer une ou deux décennies, si ce n'est plus.
A moins que les Français n'arrêtent de se plaindre et de se regarder le nombril, et prennent le Monde à bras le corps, en commençant par embrasser pour de vrai nos voisins Européens, l'Afrique, l'Asie, le reste du Monde. D'une certaine manière, je ne suis pas déçu que notre splendide isolement et notre nombrilisme soient chatiés avec tant de force en si peu de temps. Il faut peut-être cette cruelle leçon pour nous débarrasser de nos vieilles rognes, et de ceux qui les incarnent, suivez mon regard au plus haut...
Bertrand.